Loi seniors : un nouveau souffle pour l'emploi et les parcours professionnels
Redonner une place stratégique aux salariés expérimentés
Fruit d'une large concertation avec les partenaires sociaux, la loi vise à transformer en profondeur la place des seniors dans l'entreprise. Elle s'inscrit dans une logique double : favoriser leur maintien dans l'emploi et lever les freins à leur embauche.
L'un des leviers majeurs est la création du CDI seniors, ou contrat de valorisation de l'expérience, expérimenté pour cinq ans. Ce dispositif offre la possibilité d'embaucher des demandeurs d'emploi âgés d'au moins 60 ans (ou 57 ans selon les accords de branche), sans qu'ils aient encore droit à une retraite à taux plein.
En contrepartie, les entreprises bénéficient d'un cadre plus souple de mise à la retraite et d'un allègement de charges sur les indemnités associées. Ce mécanisme devrait encourager les recrutements tardifs, souvent freinés par les contraintes juridiques ou financières.
Une retraite progressive facilitée et mieux encadrée
La loi renforce également la retraite progressive, désormais accessible dès 60 ans. Les employeurs devront justifier plus rigoureusement tout refus d'une demande de temps partiel formulée par un salarié souhaitant en bénéficier.
Cette exigence de transparence marque un changement culturel : l'entreprise ne pourra plus se contenter d'un refus implicite, mais devra démontrer les impacts concrets de cette réduction du temps de travail sur l'activité.
En parallèle, un temps partiel de fin de carrière peut désormais être aménagé par accord collectif. L'indemnité de départ à la retraite pourra être utilisée pour compenser la baisse de rémunération liée au passage à temps partiel, offrant une transition plus douce vers la sortie d'activité.
Adapter les règles de fin de carrière aux réalités du marché
La question de la mise à la retraite faisait jusqu'ici obstacle à l'embauche de seniors déjà en âge de liquider leur pension. La loi vient lever cette ambiguïté : un employeur pourra désormais mettre à la retraite un salarié embauché à 67 ans ou plus, sous conditions.
Cette clarification sécurise juridiquement les recrutements de profils expérimentés et favorise une approche plus pragmatique de la gestion des fins de carrière.
Un nouvel espace de négociation pour l'emploi des seniors
Dans les entreprises de plus de 300 salariés, une négociation obligatoire sur l'emploi et les conditions de travail des seniors devient incontournable. Elle s'intègre dans le cycle classique des négociations sociales, avec une périodicité pouvant aller jusqu'à quatre ans.
Les entreprises de taille plus modeste pourront, quant à elles, s'appuyer sur un plan d'action type défini par leur branche, mis en œuvre par décision unilatérale de l'employeur.
Au‑delà de la conformité réglementaire, cette obligation invite à une réflexion collective sur la transmission des compétences, la polyvalence et l'équilibre intergénérationnel des équipes.
Dialogue social : vers plus de souplesse et de continuité
Le volet consacré au dialogue social introduit plusieurs assouplissements.
Les élus du Comité social et économique (CSE) ne seront plus limités à trois mandats successifs, permettant une continuité d'engagement dans la représentation du personnel.
De même, les délégués syndicaux pourront être désignés parmi l'ensemble des anciens élus, et non plus uniquement parmi ceux qui ne pouvaient plus se représenter. Cette mesure renforce la fluidité des parcours syndicaux et la stabilité du dialogue social dans la durée.
Parcours professionnels : un accompagnement repensé
La réforme redéfinit également l'entretien professionnel, désormais rebaptisé entretien de parcours professionnel.
Organisé dès la première année d'embauche puis tous les quatre ans, il doit aborder cinq thématiques clés : compétences, évolution, besoins de formation, souhaits professionnels et utilisation du compte personnel de formation (CPF).
Un entretien spécifique est prévu à mi‑carrière (autour de 45 ans) et à l'approche des 60 ans, en lien avec la visite médicale. Ces rendez‑vous structurent le parcours du salarié et encouragent une gestion anticipée des transitions.
Les petites et moyennes entreprises bénéficient par ailleurs d'un appui renforcé des OPCO et du Conseil en évolution professionnelle (CEP) pour préparer ces entretiens et accompagner les évolutions internes.
Une architecture simplifiée pour les reconversions
La loi crée une « période de reconversion », fusionnant les dispositifs « Transitions collectives » et « Pro‑A ». Ce nouveau cadre unifié permet :
des reconversions internes, avec maintien du contrat et de la rémunération ;
des reconversions externes, dans une entreprise d'accueil, assorties d'une période d'essai et d'un possible retour si l'expérience n'est pas concluante.
Le salarié peut cofinancer sa formation avec son CPF, jusqu'à 50 % pour une reconversion interne et 100 % pour une reconversion externe.
Ce dispositif, plus lisible et flexible, constitue un levier stratégique pour la mobilité et la sécurisation des parcours, tant pour les salariés que pour les employeurs confrontés à des mutations d'activité.
Une nouvelle logique de responsabilité partagée
Enfin, le projet de transition professionnelle (CPF de transition) est clarifié : l'employeur devra informer le salarié, trois mois avant la fin de la formation, de ses droits à réintégration. Ce dernier disposera d'un mois pour répondre, son silence valant acceptation.
Ce principe de transparence renforce la coresponsabilité entre employeur et salarié dans la gestion des parcours, évitant les zones d'incertitude au moment du retour.
Vers une culture de la carrière longue et évolutive
Cette loi ne se limite pas à une série d'ajustements techniques : elle redessine la philosophie de la carrière. L'enjeu n'est plus seulement de « maintenir » les seniors, mais de leur offrir des perspectives de contribution et de mobilité tout au long de la vie active.
Les directions RH devront intégrer cette vision plus continue du parcours professionnel, articulée autour de trois piliers : la valorisation de l'expérience, la fluidité du dialogue social et la construction d'opportunités de reconversion.
Loin d'être un simple texte d'application, la loi seniors ouvre la voie à une véritable culture de la maturité professionnelle, où l'expérience devient une ressource collective à cultiver, non un coût à gérer.